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Emplacement : Montreal, Quebec

Educated through school of hard knocks, buddhist and taoist philosophy, academia (MA in education) and some mind expanding experiences. Inspired by the zombie dreaminess of ordinary "conscious" daily life and the often more awakened states of dream I do my yoga while sleeping.

23.5.07

Un dernier mot

Je disais que le Liban est un pays imprevisible ou demain c’est toujours un peu plus loin qu’ailleurs… Eh bien! Des le lendemain ca cognait dur a Tripoli. Cette ville, 2e en importance après Beyrouth, connait rarement les affres de la guerre, meme quand celle-ci se passe a seulement quelques dixaines de kilometres au sud. Les affrontements qui ont eclate au matin du 20 mai ont eveille en sursaut la dormante capitale du nord.
En bref, le topo est le suivant. L’armee libanaise versus le Fatha al Islam, groupe islamiste extremiste Syrio-Palestinien. (Ne pas confondre avec le Fatah, parti politique au pouvoir en Palestine et qui possede aussi son aile armee) Les dissidents prennent depuis quelques temps position dans les edifices residentiels d’un camp de refugies palestiniens a partir duquel ils lancent leurs operations, incluant recemment le braquage de trois banques dans la region tripolitaine. Les forces libanaises doivent agir. Ces terroristes n’ont pas droit de cité au pays, il faut demantler leur organisation. Au matin du 20 mai, l’armee entre dans le camp de Nahr al Barid sous les coups de feus nourris du Fatha al Islam. Les combats durent depuis trois jours et le bilan est lourd. Deja plus de 130 victimes, dont plus d’une trentaine du cote des forces libanaises.
Entre temps, a Beyrouth, deux voitures piegees ont explosees en deux jours. Triste a dire mais ce n'est que routine. Les terroristes s'en prennent toujours au chics centres commerciaux des quartiers chretiens de la ville. Et ce n’est pas par hasard que, comme par le passé, ces attentats ont lieu au debut de la saison touristique. Le but est toujours le meme, maximiser l’effet destabilisant sur l’economie et les institutions politiques internes et semer la peur a l’interieur comme a l’exterieur du pays.
Normal. Le mot est sur toutes les levres ici a Beyrouth. Normal. Dur a croire pour un non-initie, mais ce l’est. Normal le feu et le sang, normal les cris et les pleurs, normal ces institutions etatiques paralysees par les forces feodales en place, normal l’injustice et la corruption, normal l’absence generalise d’espoir et le pire encore, normal aussi de trouver tout ca normal.
Je ne suis pas etranger a tout ca, pour moi aussi c’est presque normal. Ce qui me fait le plus de peine c’est que quand je quitte le Liban, je laisse la famille et les amis deriere dans un pays ou l'espoir est un luxe que tres peu peuvent se permettre et ou l’on se demande si les efforts que l’on fait au quotidien, rien que pour continuer de vivre, ne sont pas en vain. Je ne crains pas pour la vie des miens, mais une vie sans futur, c’est dur a avaler. Et au dela de mes proches, c’est la cause du Liban en entier, voire de tout le moyen-orient qui me touche. On ne fait pas la paix des uns sans faire la paix des autres.
* * * *
Je disais a une amie que venir au Liban provoque toujours une petite crise d’identite chez moi. Rentrer au Quebec apres une grande viree autour du monde aussi. Etranger ici comme ailleurs, citoyen de deux pays qui se cherchent, j’ai apris a trouver ma maison peu importe ou je peux faire un peu plus de paix et d’amour dans le monde, a ma facon. On dit qu’il suffit de se changer soi-meme pour veritablement changer le monde. J’y crois.
Ce petit journal que je partage avec vous en est pour moi un exemple de changement. Avant je me serais contente d’absorber mes experiences, mes reflexions, mes reveries et les garder pour moi meme. Par paresse ou par desinteret, je les aurais partagees seulement en parole a quelques proches, pour quelques moments, car a l’oral, la plage d’attention est bien limitee, meme quand l’interet est vif. Aujourd’hui, un changement s’est produit et le petit effort que j’ai fait pour maintenir ce carnet de voyage en vie m’a ete doublement recompense. D’une part, en brisant l’inertie et en m’efforcant d’ecrire avec une certaine constance, j’ai acquis une parcelle de la discipline necessaire a l’eclosion de tout projet creatif personnel. Est-ce que je peux m’en remercier moi-meme? Ok, c’est fait. D’autre part, et plus important encore, cela m’a fait grand plaisir de savoir que vous etiez plusieurs a me suivre sur ce periple et il m’a fait bien chaud au coeur de lire les commentaries que certains se sont donne la peine d’ecrire. Pour cela, permettez-moi de remercier sincerement chacun d’entre vous car vos mots d’encouragements, croyez-moi, valent leur pesant d’or.
Voila, je crois que c’est ici que se termine le recit de mon Mathieu autour du Monde. J’espere qu’il aura ete aussi plaisant pour voir de le lire qu’il a ete pour moi de l’ecrire. Sachez que je demeure disponible sur mon courriel au mathieukhoury@hotmail.com. Au plaisir de vous revoir et d’avoir de VOS nouvelles.

19.5.07

Ardh al Arz

En arabe le mot "Ardh" signifie a la fois la terre, le sol, le plancher et la planete Terre (l'anglais a derive le terme "Earth" de ce dernier) et "Arz" c'est les cedres. "Ardh al Arz", Terre des Cedres. C'est ici au Liban que que je devais commencer mon voyage, mais des forces plus grandes que moi l'ont voulu autrement; un an et une guerre plus tard, c'est plutot ici que je le termine.

Le Liban, c'est le pays de l'imprevisible, on ne le trouve jamais ou on s'attend a le voir. Apres que la guerre sauvage qu'a mene Israel l'ete dernier ait lourdement taxe une bonne part des infrastructures et destabilise le fragile equilibre politque interne, je m'attendais a trouver ici un pays dechire, au moral a plat et en desordre total. Mais non, la galere Liban vogue toujours sur les memes flots aigres-doux ou se melangent est-ouest, tradition-modernite, ordre-chaos, espoir-resignation, portee par dela toute tempete vers un eternel "boukra", demain.

Et le Liban sait que demain c'est loin alors il profite de present. La saison touristique ne battra certainement pas de records cette annee, les grands hotels et shoppings de luxe n'afficheront pas complet, mais les Libanais et Libanaises eux s'en fichent, ils n'ont besoin de personne pour faire la fete. Les rues et marches populaires demeurent bondes de gens, les jours de weekend on va a la plage, le soir on fait la queue devant le devant les boites les plus branchees. On mange, on danse, on chante, on rit et ca sent le bonheur. On s'aime, on se fait la cour, on se marie, on fait des petits et on espere le meilleur; vraiment, la vie suit un cours qu'elle connait par coeur.

Ca fait plaisir a voir tout ca, en plus que cote croissance et developpement, des edifices commerciaux et residentiels continuent de pousser un peu partout. Ces chantiers qui s'affairent sont signe que Beyrouth vibre et grandit encore que les Libanais ont toujours confiance en leur pays et que l'etranger est encore attire par des interets qui lui sont propre. Maintenant, si a l'issue des presidentielles de cet automne les forces politiques internes arrivent a resoudre leurs conflits de maniere democratique et eviter que la situation ne degenere en une nouvelle guerre civile, comme on a connu en 1975-1990, le Liban reste promis a un futur brillant. Rappellons-nous que le Pays de Cedre est la seule republique democtratique arabe au monde!!!

Ironie du destin pour ce pays format de poche. On l'a batise jadis la Phoenicie puisque c'est d'ici que le monde entier venait chercher les textiles rouge-pourpre dont les teinturiers locaux avaient le secret. Phoenicie du latin "Phenix", la couleur rouge, rouge comme l'oiseau mythique du meme nom. Depuis l'antiquite combien de fois cette terre a vu son peuple briller de toutes flammes, s'immoler sur son bucher et rennaitre de ces cendre? Ne cherchez pas la reponse dans les livres d'histoire, venez plutot constater de vous-meme, la reponse est dans les gestes et dans les yeux de tout le monde ici et vous dit en riant "Une fois de plus."